Comment vaincre la peur de la chute ?
J’ai peur de la chute, pourquoi ?
Les peurs de la hauteur, du vide et donc de la chute sont rationnelles, ce sont des mécanismes innés de survie. En escalade on se confronte volontairement à cette hauteur et l’on se prémunie de tout risques liés à la chute avec un équipement adapté et pourtant nous avons peur.
Si l’on écarte toutes les raisons objectives de danger, tel qu’un retour au sol par exemple. Normalement un espacement de 4m entre les points, ne devrait pas me faire peur. Je peux être impressionné mais est-ce réellement cette distance entre les points qui me terrifie ? Ou est-ce plutôt ma corde ? Ou mon assureur ?
Le pourquoi j’ai peur de tomber est assez personnel finalement et le diagnostique vous en revient entièrement. Sans entrer dans le domaine de la phobie, faire appel à un professionnel peut vous aider à mieux pointer du doigt cette fébrilité. Mais son rôle sera de vous accompagner, vous donner des clefs afin de rationnaliser cette peur.
S’interdire de tomber revient malheureusement à se brider, se limiter, à ne réaliser que des mouvements dont on se sait entièrement capable d’exécuter sans laisser de place à l’incertitude.
Que ce soit pour l’atterrissage sur le crash pad en bloc, pour le placement des protections en terrain d’aventure (TA) afin d’éviter un retour sur vire ou tout simplement pour enchainer une voie.
La chute en escalade fait partie intégrante de l’activé et il faut la prendre en considération.
Ici Arthur serres les prises dans la 8ième longueur (7b) de la Walker des garrigues au Pic St Loup.
Comment intégrer la chute à ma pratique ?
Il n’existe pas de recette magique, nous l’avons dit ce n'est qu’une peur et il existe des solutions pour apprendre à déconstruire une peur :
Une première solution serait de mieux maitriser ses émotions, garder un niveau de lucidité élevé pour permettre une analyse plus fine et juste de la situation. Le but est de réduire le niveau de stress, ne pas se laisser impressionné ou dérangé par des pensées parasites. “Si je tombes je vais m’éclater les talons”, “J’ai la corde derrière le mollet et mes jambes flanchent”, “Je sais pas ou mettre mes mains quand je tombes”, ”mon binôme regarde ailleurs”; Rester lucide dans ces situations me permet de solutionner ces problèmes.
Pour réduire ce niveau de stress global, les leviers peuvent être les suivants :
Avoir plus de marge physiquement et /ou techniquement pour oxygéner un peu mieux le cerveau et ne pas exagérer la situation, cette méthode est très limitée.
Faire appel à des méthodes de relaxation, comme travailler sur la respiration puis l’intégrer à l’effort toujours dans un but d’oxygéner le cerveau.
Une seconde solution serait l’exposition mesurée et graduelle à la chute. L’objectif ici est créer des paliers quantifiables et atteignables sans jamais s’exposer à un niveau de peur extrême. Ce processus peut être long et fastidieux car il faut passer par la répétition et la validation d’un palier pour passer au suivant. Il faut aussi s’attendre à rétrograder de palier pour ne pas se faire de frayeur et rester dans une zone de confort qui dans tout les cas m’exposera à une chute et donc me fera travailler le mental.
Je vous propose ci dessous un exemple de mise en situation plus concret :
Aujourd’hui est une séance comme une autre, je vais me confronter à mon projet dans mon niveau max. Les probabilités d’enchaînement sont faibles car la voie est longue et je manque terriblement de conti en ce moment, je vais forcément chuter à un moment donné dans la voie.
En tant que grimpeur consciencieux je m’échauffe avant de m’élancer, si je veux être cohérent avec mon projet je m’échauffe en conséquence : Mon projet est une voie de 40m sur petites prises à doigts et des montées de pieds très hautes. Je fais donc quelques mouvements pour la mobilité de bassin avec un élastique au sol, un peu de poutre pour les doigts et je pars dans une voie de chauffe dans le même style que mon projet.
Hier j’ai lu un super article sur l’appréhension de la chute en grimpe et j’ai décidé qu’aujourd’hui ma voie de chauffe allait m’échauffer à chuter. Je vais prendre le temps de tomber sous la dégaine au troisième point, puis à hauteur de la dégaine au quatrième point et enfin je plombe au dessus de la dégaine au point suivant.
Je fais le choix de m’exposer graduellement à la chute tout en ayant de la marge par rapport à la voie. Dans le triptyque Physique/ Technique / Mental de l’escalade, baisser certains curseurs me mettrons plus à l’aise pour plomber dans ma voie de chauffe mais dans mon projet de niveau maximal, je n’aurais pas ces options.
On peut imaginer que mon objectif dans les runs d’enchaînement sera de m’entendre ventiler à chaque fois que je mets la mains dans le sac à pof. Je serai alors sûr que ma concentration reste dédiée à la mémorisation des méthodes et mouvements à venir pour enchaîner.
Comme pour beaucoup d’autres aspects l’escalade est un sport ingrat et le résultat de vos progrès seront effectifs dans le long terme. Ce qui veut dire que votre motivation à progresser et vous dépasser, sera le moteur qui vous libèrera de vos peurs. Etre capable de faire se travail sur soi, sortir de sa zone de confort demande du courage et de la persévérance.
La grimpe est un art de vivre et je pense très sincèrement que nombreuses sont les vertus qui sont transposable à la vie du quotidien.
Pour approfondir le sujet je vous recommande les vidéos suivantes :
Comment avoir peur de presque tout - DBY #77 - DirtyBiologie : https://youtu.be/O3rtdqKiJrc
Overcome the fear of falling - Hard is Easy : https://youtu.be/27P4My6ItqE (vidéo en anglais)
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